Sénégal, oh mon pays, qu’a-t-on fait de ta démocratie ?

19 - Janvier - 2024

A quelques jours des élections présidentielles du 25 février, ce qui aurait dû être un grand rendez-vous populaire et démocratique pour le Sénégal a tourné à la farce, pire à la tragédie.

Dans quel pays voit-on plusieurs dizaines, voire près d’une centaine de candidats, postuler à ce qui devrait être la rencontre entre « un homme et son peuple » ? Un rendez-vous avec l’histoire, tous les cinq ans. Un rendez-vous déterminant pour l’avenir des Sénégalais, en particulier les plus jeunes. En soi, ce mépris affiché pour nos institutions constitue un affront, un outrage à la vie démocratique.

Mais il y a pire ! Certes Macky Sall ne se représente pas, mais pour que son clone, Amadou Ba, puisse lui succéder tous les coups sont permis, les plus vils et les plus répugnants. Le pouvoir a ainsi éliminé des représentants de l’opposition, comme Ousmane Sonko, en instrumentalisant la justice. Ce n’est pas nouveau, d’autres, comme Khalifa Sall et Karim Wade en ont fait les frais par le passé. Les mêmes, étrangement, par un fait du prince, ont été admis aujourd’hui à se présenter à la magistrature suprême. Nous étions prévenus, Macky ne reculerait devant rien pour pérenniser son pouvoir et asseoir son successeur sur le trône, afin de le récupérer, qui sait, dans cinq ans, comme le fit un certain couple Poutine-Medvedev.

Et puis il y a eu l’exploitation abusive de la procédure des parrainages citoyens, une procédure qui, soi-dit en passant, élimine de facto la plupart de ceux qui ont la velléité de concourir à l’élection tant elle est semée d’embûches et favorise les leaders de certains partis.

Et le constat est là, plusieurs candidats très sérieux ont été recalés comme de vulgaires élèves au Brevet des collèges. Y compris les meilleurs d’entre eux, comme Abdoul Mbaye, le plus souvent au terme d’arguments fallacieux. On a ainsi invalidé sa liste des parrainages (procédure, je le rappelle, dont le caractère illégal a été condamnée par la Cour de justice de la CEDEAO) une première fois au motif de « doublons » dans les parrainages et une seconde fois en contestant les parrainages présentés en régularisation dans une Clé USB, dont le process de contrôle fait apparaître de failles importantes.

Résultat, de 93 au départ et après que 72 aient été recalés, aujourd’hui une vingtaine de candidats ont pu franchir la première étape avant que le 20 janvier le Conseil constitutionnel ne publie pas la liste définitive.

En réalité tout a été fait pour mettre en selle Amadou Ba en éliminant les concurrents dangereux et en ne sélectionnant que ceux qui ne sont pas susceptibles de lui faire de l’ombre, mieux, de le soutenir à l’occasion du deuxième tour en lui apportant leurs voix.

En réalité, avec ce système des parrainages, mis en place par un pouvoir aux abois et soucieux de se succéder à lui-même, nous tous, Sénégalais, sommes roulés dans la farine. Cette démocratie n’est qu’une illusion où le peuple, à qui revient légitimement d’exercer le pouvoir, a été relégué au rôle de figurant.

Le 25 février prochain, lorsque sur la scène politique se lèvera le rideau les acteurs interprèteront une pièce qui pourrait s’intituler « La comedia dell’arte », autrement dit la comédie du pouvoir. Le Sénégal mérite mieux que ce numéro de prestidigitateurs !


Ibrahima Thiam,
Président du mouvement Un Autre Avenir
Membre de la coalition Abdoul2024

 

Crédit photo ©freepik.com

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